LE JOURNAL "le monde" parle de 2Pac
A Las Vegas, la fin de Tupac Shakur, apôtre du " Gangsta Rap " WASHINGTON de notre correspondante
Il est mort comme il avait vécu et il vivait comme il chantait : violemment. Tupac Shakur, l'un des rappeurs les plus célèbres d'Amérique, a succombé vendredi 13 septembre après avoir été blessé par balles six jours plus tôt, à Las Vegas, alors qu'il sortait du match de boxe opposant Mike Tyson à Bruce Seldon. Il avait vingt- cinq ans.
Apôtre du " Gangsta Rap " tant décrié par l'Amérique des valeurs familiales, acteur dans plusieurs films, Tupac Shakur faisait, dans les millions de disques qu'il avait vendus de son dernier album solo, All Eyes on Me (" Tous les regards sur moi "), vient de dépasser les cinq millions d'exemplaires l'apologie de la violence, chantait la haine du flic et le mépris de la femme. Un univers que ce fils d'une militante des Black Panthers, né à Harlem, connaissait bien. En 1993, il avait été arrêté puis remis en liberté dans une affaire de tirs d'armes à feu contre des policiers. En novembre 1994, il avait été atteint de cinq balles, mais seulement légèrement blessé au cours d'un braquage devant un studio d'enregistrement de Manhattan... " Cinq balles et ils n'ont pas pu me tuer ", chantait-il dans son dernier album.
En 1995, arrêté pour agression sexuelle sur une jeune fan, il purgea huit mois d'une condamnation à une peine de prison de quatre ans et demi. Il s'était marié en prison et avait pris ses distances, dans un entretien accordé à Vibe Magazine, avec " La vie de voyou ", cette " Thug Life " dont il s'était tatoué le torse : " De l'ignorance pure ", avait-il dit.
Le monde du rap a déjà perdu l'an dernier l'une de ses jeunes stars, Eazy-E, qui, depuis son lit de mort, suppliait les jeunes de prendre conscience des risques du sida. Au même moment, deux autres grands rappeurs, Dr. Dre et Snoop Doggy Dogg, avaient des démêlés avec la justice. Et, pas plus qu'eux, Tupac Shakur n'était invincible. Samedi soir, lorsqu'une Cadillac blanche, longeant la longue avenue illuminée de Las Vegas, est arrivée à la hauteur de la BMW noire que conduisait le PDG de sa fructueuse maison de disques, Death Row Records (dont le logo représente un homme assis sur une chaise électrique, un sac sur la tête), et lorsque les coups de feu sont partis de la Cadillac, Tupac Shakur est tombé presque banalement, comme tombent tous les jours de jeunes Noirs dans les ghettos urbains. Cela s'appelle le " drive-by shooting ", les coups de feu en passant. La police, qui regrette le manque total de coopération des nombreux témoins dans l'enquête, ne dispose d'aucune piste.
SYLVIE KAUFFMANN
Makaveli
warzâCdm2001