Une vie brûlée sur l'autel de la rébellion
STAR du gangsta rap et acteur remarqué (aux côtés de Janet Jackson), Tupac (ou 2PAC), dont les disques vendus se comptent par millions, est mort dans la nuit du 13 au 14 septembre, des suites d'une fusillade qui a mitraillé la voiture de son producteur le 7 septembre. Voyou au grand coeur, écartelé entre le besoin de vengeance et le désir d'espérance, Tupac Shakur a passé l'arme à gauche à l'âge de vingt-cinq ans. Une vie brève, brûlée sur l'autel de la rébellion. Une jeunesse éclatante de rage et de génie. Tupac était probablement capable du pire comme du meilleur. Sa disparition brutale fait de lui un martyre de ce système qui laisse peu de sorties de secours à ceux qui n'ont pas la chance de naître dans le bon quartier. Même si ce sale gosse pouvait nous irriter par ses excès, nous sommes choqués par sa mort, qui donne raison à ses déclarations sur l'avenir réservé à la jeunesse noire des Etats-Unis ('la came, la taule ou la tombe'). Il incarne de façon fulgurante ces laissés-pour-compte que les circonstances de la vie ont poussé à cultiver les fleurs du mal sur le pavé des ghettos. Avec un réalisme saisissant, le rappeur expliquait: 'Il y a deux Nègres en moi. L'un veut vivre en paix. L'autre n'accepte pas de mourir sans avoir trouvé la liberté. Tupac, fils des Black Panthers, et Tupac, l'aventurier.'
Né en 1971 à New York, il a failli voir le jour dans le pénitencier où sa mère, Afeni Shakur, avait été incarcérée à cause de son engagement avec les Black Panthers. Quant au père, certains disent qu'il était également militant politique et qu'il serait décédé le lendemain de sa sortie de prison. On raconte par ailleurs qu'il aurait été emporté par une surdose de crack. Un jour, Tupac découvre que sa mère est accro au crack. Lui qui se livrait au commerce du 'caillou' décide de ne plus y toucher. Fruit du tempérament provocateur de notre bad boy ou logique du système? Le rappeur sans peur défraie la chronique judiciaire. Une fois, il blesse deux policiers en civil qui, selon lui, tabassait un Noir. Une autre fois, il est accusé de viol par une groupie venue lui rendre visite dans sa chambre d'hôtel et passe onze mois derrière les barreaux, jusqu'à ce que Suge Knight, l'Al Capone noir du rap business, paie une caution d'environ sept millions de francs français. Suge Knight fait partie de ces Noirs américains qui font la nique au capitalisme en le noyautant. Avec succès: il a créé, avec sa maison de disque, Death Row, un empire estimé à quelque 120 millions de dollars. Avec ambiguïté aussi, puisqu'il entretient la guerre des gangs. Tupac quitte l'ombre des geôles pour celle des studios et enregistre en un temps record le double CD 'All Eyez On Me' (Death Row/Island), son quatrième album, une bombe, de nouveau. Un concentré vertigineux dans lequel on retrouve la dualité de Tupac, magistrale, incandescente, poignante. Intraitable avec les traîtres, rebelle que la taule n'a pas mis à genoux, il est aussi un macho qui ne mâche pas ses mots, un beau gosse sexy, dont la peau tatouée ('hors la loi' sur un bras, 'vie de voyou' sur le ventre) crie silencieusement les blessures. Il y a un contraste étonnant entre les textes et le groove mâtiné de lueurs soul, de douceur cool ou de chaleur funky. La tribu a répondu à l'invitation de Tupac: Snoop Dogg, Jodeci, Dr Dree et d'autres pointures du rap, et aussi le parrain du funk, George Clinton. Un second single extrait, 'How Do You Want It', couronne le succès de ce double CD explosif. Il est sorti il y a peu et la voix fière de l'enfant terrible continue de fleurir sur les radios. Prémonitoire, Tupac nous disait un jour: 'Je ne suis pas heureux ici. Je n'ai pas peur de la mort, ma seule angoisse est de revenir réincarné.'
FARA. C.
Makaveli
warzâCdm2001